On aurait pu croire que l’exemple de l’industrie du CD aurait marqué l’esprit des masses et permis d’éviter un nouvel écueil lors de la dématérialisation d’un produit, et pourtant… Si le livre numérique s’est aujourd’hui imposé comme un produit de consommation à part entière, le marché continue de s’enfermer dans le piège des DRM.
Souvenez-vous. Nous sommes au début des années 2000 (et oui ça remonte!), les premiers baladeurs Mp3 font leur arrivée et une terrible menace pèse sur les Majors : la dématérialisation des fichiers audio risque de tuer les ventes de CD. Certains ont vite flairé le bon filon en proposant une bibliothèque de musiques téléchargeables limitée à un seul type de lecteur. L’exemple le plus parlant de cette démarche reste iTunes : une librairie musicale, limitée à un type d’appareil par laquelle il faut passer pour transférer sa propre musique ou en acheter.
De l’autre côté du tableau, les Majors s’affrontent à coup de protections plus contraignantes les unes que les autres, à tel point que certains artistes ne sont trouvables que sur une plateforme.
Vous avez une platine DVD? Dommage, votre nouveau CD ne peut passer dessus.
Il aura fallu près de 15 ans pour que les Majors comprennent qu’il fallait faire AVEC le numérique et non pas CONTRE le numérique : plateformes de téléchargements légales, achat au titre, abonnement sur des sites de streaming, etc. Si aujourd’hui ces méthodes alternatives fleurissent il n’a pas été facile de les imposer.
Bien que le marché se soit stabilisé, les Majors continuent encore et toujours leur office au risque de détruire des alternatives légales mises en place. Il n’y a qu’à voir Deezer (lire à ce sujet l’article des Échos) : avec son offre découverte pour les utilisateurs non abonnés le site ne générait pas assez de bénéfices, alors que faire ? Facile : ajoutez de la publicité entre chaque chanson, limiter l’écoute à quelques heures par mois et le tour est joué. Si vous ne souhaitez pas payer votre musique, vous finirez peut-être par vous abonner ou pas…
La technologie mise en place au départ par Deezer était du foutage de gueule, une machine à pirater. Il n’y a pas écrit complétement « couillon » en clignotant ici ! (NDLA : M Pascal Nègre dessine un trait sur son front).
Interview de Pascal Nègre, PDG d’Universal, recueillie par Marc Rees
Alors certes, nous n’en sont pas encore à avoir des pubs derrière chaque page d’un eBook (fort heureusement) mais les éditeurs ont-il seulement compris la leçon?
C’est trop contraire à la défense du droit moral pour qu’on le fasse.
Arnaud Noury, PDG de Hachette, article Actualitté
Peut-être dans une prochaine génération, verra-t-on les choses autrement :
la musique a fini par abandonner les DRM, mais l’heure n’est pas venue pour les éditeurs.
Avec l’arrivée des différentes liseuses, les consommateurs ont accès à des supports de lecture adaptés à toutes les bourses, du Nolim à 70€ au Kindle Paperwhite 3G à 179€. Chacun est libre de choisir quel produit il souhaite acquérir en fonction de ses usages.
Pourtant le revers de la médaille tient en trois lettres : D R M.
Pour protéger leurs ouvrages contre le piratage, les éditeurs appliquent des protections numériques, des verrous, empêchant la lecture ou la copie d’un produit vers un autre support. Cette protection tient en deux principes simples :
Vous voyez le problème ?
Alors certes, 200 000 ouvrages en moyenne pour ces deux exemples semble un catalogue conséquent mais placez-vous dans une autre situation : vous possédez un Kindle mais Amazon ne propose pas le livre que vous cherchez, vous le trouvez sur un autre site éditeur mais les protections apposées sur ce livre vous empêche de le lire. Embêtant non ?
Autre situation : votre liseuse tombe en panne et vous en changez pour un autre support, la bibliothèque que vous possédiez sur l’ancienne liseuse n’est pas lisible sur la nouvelle.
Pour la lire deux solutions : racheter vos livres ou faire sauter les protections qui les restreignent. Dans un cas vous êtes le dindon de la farce, dans l’autre vous commettez un acte illégal. Une situation plutôt cocasse : les DRM sensés protéger les livres numériques vous contraignent à les pirater pour pouvoir continuer à profiter de vos ouvrages. Autant dire que le serpent se mord la queue.
Les éditeurs commencent à comprendre cette situation et certains proposent un panel de livres sans DRM ou avec des protections moins contraignantes comme le tatouage numérique. Même si cette démarche est louable, le catalogue DRM free reste extrêmement limité.
Nous ne le répéterons jamais assez : l’information est la principale clé de cette situation. Savoir quelle protection est apposée sur un livre directement sur le site éditeur semble couler de source et pourtant bien peu le font. Il est trop souvent nécessaire d’aller chercher ces informations sur des sites tiers comme Babelio pour savoir si oui ou non le livre que l’on souhaite acquérir sera restreint par notre liseuse.
La protection la plus massivement utilisée reste le DRM spécifiquement développé par la firme Adobe qui, rappelons-le, a poussé la généralisation du format ePub pour les livres numériques, en faisant aujourd’hui un standard. Sur les 5 liseuses les plus utilisées, 3 utilisent ce type de protection. (Nous avons volontairement placé l’iPad d’Apple dans ce récapitulatif du fait de sa plateforme de livres numérique iBooks).
Les DRM ont pour but d’empêcher la lecture d’un ouvrage sur plusieurs supports : si vous achetez un livre pour votre Kindle, vous ne pourrez le lire que sur VOTRE Kindle, inutile d’essayer sur celui d’un ami, l’accès au fichier vous sera refusé.
Petites précisions apportées par @TheSFReader :
@Netemedia Aussi, l’utilisateur peut acheter des livres avec DRM chez Decitre et les importer sans soucis dans sa Kobo
The SF Reader (@TheSFReader) 27 Février 2014
@AlexianeDiot @Netemedia Loin d’être évident et intuitif ! C’est un cas particulier plutôt invisible, et qui s’applique à un acteur majeur..
The SF Reader (@TheSFReader) 27 Février 2014
Pourquoi ? Une raison simple : empêcher que les lecteurs d’eBooks se « prêtent » des ouvrages l’un l’autre (et garantir de fait un certain nombre de ventes). Une restriction assez gênante quand on avait pour habitude de prêter le roman qu’on avait adoré à l’un de ses amis.
Mais que se passe-t-il quand on emprunte un eBook dans une bibliothèque ? Beaucoup de problèmes techniques en perspective comme en témoigne ce message d’un utilisateur sur le forum d’aide Adobe :
Mais les contraintes de ces « protections » ne s’arrêtent pas là…
La suite au prochain article 😉